LIBERTES FONDAMENTALES : PAS DE MOTIVATION ! PAS D’HOSPITALISATION !
Tribunal de Grande Instance de ROUEN, Juge des Libertés et de la Détention, 24 août 2018, RG n°18/02204
Même en l’absence de crise sanitaire, il est toujours indispensable de rappeler que la liberté est la règle, et la privation de liberté l’exception.
Or, tout recours à une mesure exceptionnelle, de surcroit lorsqu’elle s’avère attentatoire aux libertés fondamentales, à l’instar de la liberté d’aller et venir, constitutionnellement protégée, doit être particulièrement justifié.
La mesure d’hospitalisation sous contrainte n’échappe pas à cette règle et doit être motivée.
Une patiente avait été hospitalisée le 6 février 2017 par décision du Directeur d’un centre hospitalier en raison d’un péril imminent.
Cette décision était justifiée et n’avait pas posé de difficulté ; le Juge des Libertés et de la Détention ayant d’ailleurs prolongé l’hospitalisation par une décision du 23 juillet 2018.
En cours d’hospitalisation, les médecins ont constaté que le comportement de cette patiente s’améliorait et décidé de mettre un terme à l’hospitalisation au profit de soins ambulatoires, cette dernière retrouvant donc sa liberté.
Toutefois, a posteriori, il a été décidé par le Directeur du centre hospitalier de la réintégrer en hospitalisation au motif d’une rechute qu’elle a contestée par la suite.
Or la décision de réadmission se contentait de viser un certificat médical sans en reprendre l’énoncé et sans le joindre à la décision ; de sorte que les raisons de la ré-hospitalisation n’étaient ni expliquées dans la décision, ni portées à la connaissance de la patiente.
Elle se retrouvait de nouveau privée de sa liberté mais, contrairement à sa première hospitalisation, n’en connaissait pas les raisons, qu’elle ne pouvait dès lors critiquer. Cette irrégularité de procédure a été soulevée et le Juge a estimé que :
« La décision du 13 août 2018 portant modification de la forme de la prise en charge, qui au demeurant n’est pas signée, se contente de viser un certificat médical circonstancié du même jour qui n’apparaît pas avoir été porté à la connaissance de l’intéressée, sans autre forme de motivation.
Cette dernière n’a donc pas eu connaissance des raisons de fait et de droit justifiant sa ré-hospitalisation, ce qui a porté atteinte à ses droits, et doit donc entraîner la levée de la mesure. »
Ainsi, le Juge sanctionne ici une décision arbitraire en rappelant que les décisions restrictives de liberté doivent, d’une part, être motivées et, d’autre part, informer la personne visée des raisons de l’atteinte à ses droits.
La motivation doit intervenir à chaque stade de la procédure et pas seulement au début.
Néanmoins, la motivation par appropriation des motifs d’un document joint à la décision est acceptée par la Cour de cassation.
Toutefois, rien ne permet de savoir si ledit certificat médical est bien systématiquement joint à l’exemplaire de la décision remise aux personnes privées de leur liberté. La jurisprudence semble toutefois considérer qu’il appartient au patient de prouver que le certificat n’était pas joint… Ne s’agirait-il pas là d’un renversement de la charge de la preuve ?
Une telle position apparaît, en effet, critiquable dans la mesure où c’est à celui qui est tenu par une obligation de prouver qu’il l’a bien exécutée. Ce serait donc au centre hospitalier de prouver qu’il a bien joint le certificat médical en cas de contestation, sauf à considérer qu’il a parole d’Évangile.