SOINS PSYCHIATRIQUES : VOUS AURIEZ PU PRÉVENIR !
Cour d’Appel de ROUEN, Juridiction du Premier Président, 14 août 2019, RG n°19/03188
L’hospitalisation sous contrainte est avant tout une mesure de protection du patient à son égard mais également vis-à-vis de la Société. Ceci explique la complexité résidant dans la lourde tâche des magistrats – juges des libertés et de la détention – consistant à trancher de tels dossiers en conciliant cet objectif avec les libertés fondamentales.
C’est la raison pour laquelle, une telle hospitalisation attentatoire à plusieurs libertés individuelles nécessite, en principe, l’intervention d’un tiers, à l’instar d’une « caution morale », en la personne de membres de la famille ou de proches donnant leur accord pour la mise en place de cette procédure.
Dans la plupart des cas, suite à un évènement laissant supposer un danger pour le patient ou des tiers, un membre du personnel médical va soumettre au parent ou au proche un formulaire de demande d’hospitalisation.
Mais tout principe a ses exceptions.
Que faire lorsqu’aucun membre de la famille ou proche n’est immédiatement disponible pour fournir un tel formulaire alors que le patient présente manifestement des troubles psychiatriques créant potentiellement un danger pour lui-même ?
Parmi plusieurs procédures exceptionnelles possibles, l’article L. 3212-1, 2°, du Code de la Santé Publique permet au directeur d’un centre hospitalier de se dispenser de recourir à un membre de la famille ou un proche en cas de péril imminent pour la santé du patient.
Le texte ne définit pas précisément cette notion de péril imminent.
La Cour de cassation semble laisser l’appréciation au corps médical et aux juges du fond sans plus de précision (Cass. 1e Ch. civ. 18 déc. 2014, n°13-24.924).
La jurisprudence administrative est venue préciser que l’existence d’un danger pour autrui n’entre pas dans cette notion et que les médecins doivent faire le constat d’un réel danger pour le patient sans se contenter de simples soupçons (CAA NANCY, 3e Ch. 2 août 2012, n°12NC00017).
En tout état de cause, en guise de tempérament, le Législateur a tout de même imposé au directeur du centre hospitalier de contacter la famille, le représentant légal ou les proches du patient dans les vingt-quatre heures de la mesure ou, à défaut, de justifier de difficultés particulières qui l’en auraient empêché.
Dans le cas d’espèce qui nous intéresse, un patient, suivi en soins ambulatoires, avait fait l’objet d’une hospitalisation sous contrainte en raison d’un péril imminent après s’être entièrement déshabillé en pleine journée à l’intérieur d’une Cathédrale.
Outre le fait que la notion de péril imminent n’apparaît pas manifestement caractérisée, la Cour a relevé qu’il n’était « pas justifié de l’accomplissement de (la) formalité (d’information de la famille, du représentant légal, ou d’un proche), ni de difficultés particulières qui l’auraient rendu impossible ».
Elle prend le soin de préciser que « le recours, dans des conditions irrégulières, à une procédure dérogatoire fait nécessairement grief à l’intéressé qui n’a pas bénéficié de toutes les garanties pour s’assurer de la nécessité et de la proportionnalité des restrictions apportées à l’exercice de ses libertés individuelles ».
La Cour d’Appel a par conséquent ordonné la mainlevée de la mesure d’hospitalisation irrégulière du patient.
Néanmoins, le Juge n’oublie pas de concilier la préservation des libertés individuelles avec les intérêts de la Société en faisant application de l’article L. 3211-12 du Code de la Santé Publique lui permettant de différer les effets de la mainlevée de 24 heures afin de permettre au corps médical de préparer un traitement à administrer au patient à sa sortie du centre hospitalier.
L’esprit des textes est toutefois préservé, l’absence de participation des personnes les plus proches du patient devant demeurer très exceptionnelle.