GARDE A VUE : NE SOURIEZ PAS ! VOUS N’ETES PAS FILME(E)…

Cour d’Appel de ROUEN, Chambre de l’instruction, 20 mars 2019, n°2018/00729

Si le Code de Procédure Pénale rend obligatoire l’enregistrement audiovisuel des auditions des personnes gardées à vue pour des faits susceptibles de relever d’une infraction de nature criminelle, ce n’est certainement pas pour que les officiers de police judiciaire se glissent dans la peau de réalisateurs hollywoodiens mais bien dans le but d’assurer la transparence de l’audition et la manifestation de la vérité.

La personne gardée à vue filmée qui se serait incriminée lors d’une de ses auditions ne pourra pas revenir sur ses déclarations en invoquant des manipulations ou des violences puisque l’enregistrement audiovisuel pourra être visionné afin de le vérifier.

C’est une sécurité indispensable tant pour le gardé à vue – ne pouvant pas faire l’objet de pressions pendant l’audition – que pour la justice et les victimes – qui ne peuvent plus douter de la conformité des propos du gardé à vue tels qu’ils sont retranscrits dans les procès-verbaux d’auditions.

L’enregistrement audiovisuel n’est pas toujours obligatoire. Il l’est pour des personnes placées en garde à vue pour des faits de nature criminelle, à l’instar d’un meurtre, en raison de la gravité de ces faits et des lourdes conséquences judiciaires qu’implique un aveu ; ou encore pour des mineurs, en raison de leur vulnérabilité.

C’est donc tout ce système visant à assurer une justice libre et transparente qui se révèle ébranlé lorsque cette obligation d’enregistrement audiovisuel n’est pas respectée et qu’une audition se déroule sans être filmée.

Il n’est dès lors plus possible de se fier aux procès-verbaux d’audition qui peuvent ne pas refléter la réalité des propos tenus.

C’est avec cette conviction que la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de ROUEN a été saisie dans un dossier dans lequel la preuve de l’enregistrement audiovisuel pendant une garde à vue criminelle n’était pas rapportée.

La Cour relève que :

« Ce procès-verbal ne mentionne ni que l’interrogatoire a fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel ni qu’une raison de ne pas y recourir existerait.

Le défaut de mention de l’existence d’un enregistrement audiovisuel dans le procès-verbal ne conduit pas forcément à l’annulation de la pièce s’il existe des éléments de nature à prouver que cet enregistrement a effectivement eu lieu.

Il ne peut être considéré que de tels éléments existent en l’espèce (…).

Il y a ainsi lieu de considérer que le procès-verbal (…) est irrégulier et de procéder à son annulation ».

Il est intéressant de noter que la Cour fait l’effort de rechercher si l’enregistrement existait effectivement ou non, sans se contenter de la simple absence de mention sur le procès-verbal.

Elle rappelle que cette obligation peut ne pas être respectée en présence d’un motif légitime, qui n’existait pas en l’espèce.

Elle confirme ainsi qu’une telle annulation ne relève pas d’une vulgaire erreur de forme de la procédure mais bien d’une volonté d’assurer le respect de cette obligation d’enregistrement essentielle à la manifestation de la vérité.

Ce procès-verbal était dangereux pour toute la procédure qu’il viciait par sa présence et son annulation était indispensable pour permettre à la justice de trancher avec rectitude, dans l’intérêt général.