SOINS PSYCHIATRIQUES : LA FIN JUSTIFIE-T-ELLE LES MOYENS ?
Cour d’Appel de ROUEN, Juridiction du Premier Président, 16 mai 2019, RG n°19/01981
Tribunal de Grande Instance de ROUEN, Juge des Libertés et de la Détention, 13 mai 2019, RG n°19/01007
Selon la Cour d’Appel de ROUEN, dans une décision du 16 mai 2019, tel semble être le cas en matière d’hospitalisation sous contrainte pour des soins psychiatriques.
En l’occurrence, un patient était placé en hospitalisation contre sa volonté par décision préfectorale depuis le 11 avril 2019.
Ce patient contestait cette hospitalisation et a obtenu gain de cause à deux reprises devant le Juge des Libertés et de la Détention.
Nonobstant les mainlevées ordonnées par ce Juge, ce patient a été maintenu en hospitalisation sous contrainte en application de plusieurs arrêtés préfectoraux successifs.
Finalement, par une ordonnance du 13 mai 2019, le Juge des Libertés et de la Détention a, pour la troisième fois, ordonné la mainlevée de l’hospitalisation et a condamné l’État français à indemniser ce patient de la somme de 2.000 euros pour procédure abusive, outre 1.500 euros de frais de procédure.
Selon le Juge, « un tel maintien (en hospitalisation) apparaît ainsi irrégulier et de nature à porter atteinte aux droits de l’intéressé qui a été indûment privé de sa liberté » et L’État français sera condamné « en raison du caractère abusif de la procédure que la partie condamnée ne pouvait ignorer étant donné l’accumulation des irrégularités commises et de ses tentatives malheureuses pour les régulariser. »
La motivation est sans équivoque ! Le patient a été abusivement maintenu par l’État français en hospitalisation en violation de plusieurs décisions du Juge des Libertés et de la Détention.
Toutefois, la Cour d’appel a jugé bon de revenir partiellement sur cette décision.
Sur appel du Parquet, par ordonnance du 16 mai 2019, la Cour d’appel a ordonné la mainlevée de l’hospitalisation, donnant ainsi satisfaction au patient ; mais, à l’instar d’un conciliateur improvisé, est revenue sur la condamnation de l’État français.
Selon la Cour, « si l’on peut considérer qu’un tel maintien (en hospitalisation) soit à l’origine d’une détention arbitraire et donc d’une procédure distincte, celle-ci n’a aucune incidence sur la validité de la procédure d’hospitalisation en elle-même le juge des libertés et de la détention ne devant statuer que sur la saisine (…) ».
Une telle formulation suppose que même si le maintien en hospitalisation, en violation de mainlevées judiciaires, par l’enchaînement de plusieurs procédures, peut paraître abusif ; le juge doit l’ignorer et se concentrer uniquement sur la seule procédure en cours, peu important qu’elle soit la conséquence d’autres procédures irrégulières.
Il aurait été théoriquement intéressant de saisir la Cour de cassation – aucun texte n’empêchant un Juge de vérifier le caractère frauduleux d’une procédure initiée afin de priver d’effet une décision judiciaire – mais la Cour d’appel a pris le soin d’ordonner la mainlevée de l’hospitalisation qui a été respectée par l’autorité préfectorale.
Il n’y avait donc aucun intérêt à exercer un recours supplémentaire, le patient ayant enfin retrouvé sa liberté ; et l’État français faisant l’économie de la somme de 3.500 euros.
Cependant, la responsabilité de l’État peut être engagée par une procédure distincte afin d’obtenir l’indemnisation d’une personne placée sous hospitalisation sous contrainte et dont la mainlevée a été ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention.